Je ressens le besoin d'en parler, et je m'excuse d'avance si ce qui suit sonne comme une diatribe véhémente, c'est un peu le cas sans doute...
J'ai été troublé durant toute cette vague printanière de nouveaux visages sur le forum: environ 3/4 des nouveaux-elles inscrit.e.s sur le forum ces derniers temps démarrent avec une Messor barbarus, achetée en ligne, souvent en cadeau de Noël. Et 2-3 mois après, viennent sur le forum les débutants déséspérés appelant à l'aide pour une fondation en déprise... Je suis attristé par toutes ces mauvaises expériences, ces peines partagées ici...
J'ose le dire : je ne pense pas que Messor barbarus, ou quelque autre espèce du genre Messor à vrai dire, soit l'espèce idéale pour débuter dans le hobby. Opinion partagée par certains mais pas tous, je la base sur l'observation que l'espèce est TRES sensible au stress, que sa fondation n'est pas si simple, que ses besoins en humidité, diapause... sont complexe et sources de conflits (j'ai entendu tout et son contraire sur leur tolérance au sec, leur non besoin d'hiverner...), que les erreurs de débutants sont très nombreuses et souvent scellent l'avenir de la fondation.
Le tout fait que, pour un.e débutant.e qui vient d'acheter (et j'insiste sur le terme acheter !) une reine toute seule, et se retrouve avec 0 idée de comment gérer un nouvel animal si différent d'un chat ou d'un lapin, il ne suffira pas de lire le petit flyer fourni gracieusement par le vendeur ou regarder 2 vidéos you**be, pour avoir de bonnes chances de réussite.
La Messor barbare souffre du même effet que le poisson rouge gagné en fête foraine: suite à une gratification instantanée, on se retrouve incapable de fournir des conditions de vie adéquates. Ce n'est pas de la faute du débutant, c'est un simple effet du fonctionnement des choses: le marché offre un produit très accessible, le novice fraîchement arrivé devant l'opportunité dépense juste un peu; trop peu pour que cela demande de prendre le temps de peser le pour et le contre, assez peu pour que ce soit un petit cadeau facile. Messor barbarus, en tant que produit marchand, est une aubaine parce qu'on la vend 3€ mais on vend avec un bon gros nid en plexi ou en plâtre, très esthétique !
On suit le tutoriel en 5 lignes qui vient avec: vider le sachet de graînes fourni dans l'ADC, connecter le nid, mettre de l'eau une fois par semaine avec la pipette fournie (waow, ils ont vraîment pensé à tout !)... Les habitués savent très bien ce qu'il se passera ensuite: on a enfin quelques ouvrières, on est enthousiaste et un peu pressé, on met fissa la fondation en nid, ça se passe mal sans raison apparente, on se sent impuissant.
Si Messor barbarus est sensible à de nombreux paramètres, l'humidité en particulier est primordiale: certes l'espèce est une sudiste, adaptée à la chaleur de la garrigue... mais la préparation du pain de graînes est très gourmande en eau, les ouvrières ne peuvent pas ramener d'eau dans le nid depuis un abreuvoir extérieur faute de jabot social, les larves dessèchent car le nid ne garde pas l'humidité assez longtemps...
L'hivernage est aussi, selon mes observations, un élément vital si l'on ne veut pas voir la reine arrêter de pondre à jamais après le premier hiver...
Messor barbarus est une espèce sexy qui a l'air facile (nourrissage une bonne fois pour toute chaque saison, croissance rapide), mais ce faux sens de tranquilité ne forme pas, n'alerte pas sur les difficultés inhérentes à l'élevage de tout animal, et la nécessité d'aller creuser, bouffer le plus d'infos possibles avant de tenter de s'en procurer. De plus, ne pas avoir besoin de nourrir ne dispense pas d'avoir à gérer régulièrement l'apport en eau.
Que l'on veuille un chat, une fourmi, une plante ou un porc-épic à queue préhensile, on ne peut s'en occuper avec succès que si on comprend ses besoins vitaux.
Mais, me direz vous, ce serait le même problème pour toutes les espèces ! Ouais, c'est pas faux (quote)... Quelle serait alors une bonne espèce pour débutant ? y'en a-t-il seulement une ? C'est une conclusion pessimiste: dans les mains d'un débutant, toute espèce est vouée à un probable échec... à l'image de ces ouvrières qu'enfants on met dans des boîtes avec un gel bleu qu'elles creusent pendant 2 semaines avant de crever...
J'ai deux avis, deux réponses, toutes deux débattables et seulement une partie de la solution :
La meilleure espèce pour débuter, c'est celle qui ne t'a rien coûté ! Une espèce ramassée dans la nature près de chez soi, si elle meurt ce n'est pas une grosse perte. On peut toujours retenter l'année suivante, ou en tenter plusieurs à la fois si on a eu la chance d'en trouver plusieurs ! Aussi, quand on s'interroge sur les besoins de notre fourmi, on est moins perdu si on se rappelle que ses conditions idéales sont les mêmes que dehors, dans le sol du jardin. Si l'on commence à s'intéresser aux fourmis, on n'aura pas la gratification instantanée de l'achat si l'on doit chercher tout l'été un éventuel essaimage, mais ça laisse le temps et pousse à se renseigner, rejoindre les communautés, se faire conseiller, préparer son matériel et expérimenter avec le matériel... C'est très formateur selon moi.
[fin de la réponse 1]
Myrmica sp. Pour moi c'est une très bonne espèce pour démarrer. Quoi ? ça va pas la tête ? Elle pique !
Et alors ?
Et alors? Si tu te fais piquer, c'est que tu l'as cherché, au moins ça pousse à bien penser aux évasions, et ça rappelle que c'est un animal vivant, qui a ses propres désirs et besoins, et pas un jeu.
Les Myrmica sont pour moi une espèce très formatrice pour plusieurs raisons:
- +la fondation semi-claustrale apprend à gérer la nourriture dès le début, et rend la fondation plus animée, On est tout de suite dans le bain, et c'est plus satisfaisant pour le débutant impatient que de devoir oublier son tube dans un fond de tiroir.
+l'espèce est très facile à trouver in natura, les essaimages sont massifs. Polygynes, on peut même les démarrer ensemble, c'est fabuleux !
+L'espèce a une croissance rapide, féroce, vorace: +1 à chaque fois ! On est à l'opposé de la lenteur timide des Lasius sp. aux débuts.
+D'expérience, elles ont l'air faciles comme tout à déménager, mais s'accommodent très bien à des conditions imparfaites.
-Cela dit il faut une forte humidité, donc il ne faut pas hésiter à bombarder avec l'eau.
+Je trouve qu'elles supportent très bien le stress. Mais n'allez pas les chahuter toute les heures !
-+L'hivernage est obligatoire, donc pas de débat, c'est clair. Elles tolèrent bien un bon 5°c au bas du frigo, pas besoin d'un système compliqué, faut juste que maman et papa soient d'accord...
Myrmica sp. > Messor sp. parce que leurs besoins sont le standard de base de l'élevage de fourmis, clair et direct.
Myrmica sp. > Pheidole. Pour tout dire, je trouve leur difficulté comparable aux Pheidole sp. : rien ne les arrête ! L'avantage des Myrmica est qu'elles sont plus grosses donc plus faciles à contenir et plus propices à l'observation.
Myrmica sp. > Lasius sp. pour la rapidité de recrutement, de déménagement, la dynamique des individus.
[fin de la réponse 2 ?]
Ce fut un long post... Est-il constructif et solidement argumenté? bof... Mais j'aimerais voir ce que vous en pensez, je pourrais être ultra biaisé et très partial, je pourrais être déconnecté de la réalité des autres... Si vous sentez que je vise ou accuse quelqu'un de quoi que ce soit, ce n'est pas mon but, mais n'hésitez pas à me taper dessus (de manière cordiale bien sûr).
Pour les débutants qui arriveraient à lire ce réquisitoire jusqu'au bout, j'espère ne pas vous décourager, au contraire, j'aimerais voir plus de belles aventures dans vos intros, et à défaut, peut-être qu'il y a làde quoi vous guider dans la découverte du hobby: Mangez, gavez vous d'information de partout, ne vous fiez pas à une seule source, je suis aussi partial qu'un marchand de fourmi !