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VENDREDI 10 JUILLET 2020
Il est 14 heures, je dois me préparer à aller au travail. En entrant dans ma salle de bain, je remarque une petite fourmi que je pense d'abord être une ouvrière Tetramorium sp., genre très bien représenté par chez moi.
Par curiosité, comme je le fais souvent, je m'approche pour l'observer de plus près.
Surprise ! Thorax imposant, cicatrices alaires, j'ai affaire à une gyne. Vue la taille et l'allure générale, je pense d'abord à une gyne Myrmecina sp., même si je remarque tout de suite sa tête carrée et ses mandibules imposantes.
Comme tout bon myrmécologue qui se respecte, ne sachant pas vraiment à quelle espèce j'ai affaire, je m'empresse de la mettre en tube, de prendre des photos, et de faire une demande d'identification (topic ici : https://www.myrmecofourmis.org/forum/vi ... hp?t=31657).
@Lebenêt apporte alors sa contribution au topic (encore merci à lui), et m'apprend que j'ai affaire au genre Strongylognathus sp. Je ne vais pas mentir, j'ai d'abord cru qu'il s'était endormi sur son clavier. Je n'avais jamais entendu parler, de près ou de loin, de ce genre. Après de plus amples observations, nous en arrivons à la conclusion que j'ai trouvé une gyne Strongylognathus huberi.
Il est assez difficile de trouver des informations sur le genre, donné sa rareté. Les informations qui suivent ne sont donc que des fragments que j'ai pu trouver en cherchant sur le web.
Pour faire court, les Strongylognathus sont des parasites des Tetramorium sp. Elles n'ont été que rarement observées, et encore plus rarement élevées. Leurs mandibules lisses en "dents de sabre" caractéristiques ne leur permettent pas de s'occuper de leur propre couvain (que ce soit la gyne ou les ouvrières). Selon l'espèce, elles s'infiltrent alors dans une colonie de Tetramorium sp., dans laquelle elles passeront inaperçu. La gyne parasite pond et produit des phéromones inhibitant la production de séxués chez la gyne parasitée. Les Tetramorium sp. s'occupent alors du couvain des Strongylognathus sans s'en apercevoir, et les seuls séxués produits proviendront de la colonie parasite.
Les Strongylognathus huberi sont quant à elles des esclavagistes, elles organisent des "raids" réguliers sur des nids de Tetramorium sp. afin d'en voler le couvain et de le rapporter dans leur nid, de façon à toujours avoir une population d'esclave importante, qui pourra s'occuper de leur couvain.
SAMEDI 11 JUILLET 2020
Le plan est le suivant : récolter des nymphes et quelques ouvrières Tetramorium sp. et les placer en tube. Lors de l'apparition du premier imago, je retirerai les ouvrières capturées et les "rendrai" à leur colonie mère. Je placerai alors le jeune imago et le couvain avec la gyne.
J'ai pu récolter une trentaine de nymphes dans le premier nid, et j'ai choisi de ne prélever que deux ouvrières. J'ai également réitéré le prélèvement au sein d'un second nid, dans lequel j'ai récolté une vingtaine de nymphes et quatre ouvrières.
J'ai choisi de prélever sur deux nids différents pour deux raisons :
1) Cela minimise l'impact du prélèvement sur chaque colonie, et leur permet de s'en remettre plus rapidement.
2) La redondance. Cela me donne de meilleures chances quant au succès de l'expérience. Les nymphes du premier prélèvement sont plus "avancées" et donc arriveront plus vite à terme : les esclaves arriveront donc plus rapidement. Si toutefois, pour une raison quelconque, comme cela s'est passé lors de mon expérience avec les Lasius parasites (je dois mettre à jour le blog concerné), les ouvrières du premier prélèvement décident de ne pas s'occuper du couvain, celles du second prendront le relais jusqu'à l'apparition des esclaves.
Si tout se passe bien, je pense pouvoir introduire les premiers esclaves d'ici Lundi ou Mardi.
DIMANCHE 12 JUILLET 2020
Lors du nourrissage, la gyne ne semble pas intéressée par le pseudo-miellat. Elle reste sur le coton de sortie et ne bouge pas.
Je me rends alors compte qu'elle s'est en fait "emmêlée" dans une fibre du coton de sortie.
Après une intervention chirurgicale digne de Greys Anatomy, la dame est libre. Elle a toujours une fibre de coton autour du pétiole, que je n'arrive pas à enlever, mais cela ne semble pas l'embêter. J'aime à penser qu'elle le voit comme un accessoire de mode. J'ai enfin trouvé en quel animal Karl Lagerfeld s'est reconverti.
Du côté des nymphes, pas de changement, j'attends toujours avec impatience l'apparition du premier imago.
Merci à tous de m'avoir lu, et si vous avez des questions, conseils ou commentaires, n'hésitez pas à m'en faire part sur le Q/R

