Lasius (Dendrolasius) fuliginosus : une histoire de persévérance...

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Darkyanden
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Lasius (Dendrolasius) fuliginosus : une histoire de persévérance...

Message non lu par Darkyanden »

Bonjour à tous,

Les plus anciens d'entre vous se souviendront peut-être m'avoir déjà croisé sur des topics traitant des Lasius fuliginosus et plus globalement des Lasius à fondation dépendante. Si vous avez un moment et que le sujet vous intéresse, vous pouvez allez voir ce topic participatif, ou plusieurs d'entre nous avions fait des tentatives aux résultats variés.

Je suis en effet mordu de ces espèces, pour plusieurs raisons.
Déjà, les Lasius fuliginosus sont magnifiques, et ont un comportement tout à fait unique. Je pense qu'on a tous déjà vu leurs autoroutes à pucerons (sauf peut-être @Seed noir :p ), c'est toujours sympa.
Ensuite, ce qui m'amuse beaucoup dans l'élevage des fourmis, c'est de réussir la fondation. En l'occurrence le challenge est de taille.

Quasiment chaque année, le destin poussait dans mes tubes une ou deux reines Lasius fuliginosus (j'attends encore celle de cette année...) ; et ce jusque mon expatriation en 2018 où j'ai été contraint de mettre fin à mes élevages et expérimentations. De retour depuis début 2020, je m'y suis remis et j'ai eu comme la tradition le veut, ma belle petite gyne L. fuliginosus annuelle.
À savoir : à partir de fin mai je porte toujours un tube sur moi pour ce type d'occasion.
Nous sommes aux alentours du 10 juillet 2020.

Fort de mes expériences précédentes, je sais déjà que les Lasius à fondations dépendantes ne survivent que très peu de temps seules en tube, et qu'il faut impérativement les nourrir tous les 2 jours pour maximiser les chances de survie. Sitôt "entubée" ( :think: ) elle est donc immédiatement nourrie de mon fameux pseudo miellat de l'espace ultra secret.

Il se trouve que je suis également adepte du jardinage (oui il y a un rapport, attendez). Cette année, en m'occupant de mes tomates, j'avais pu observer dans une de mes serres une colonie mixte de Lasius noire et jaune ! Concrètement, des ouvrières Lasius probablement niger et leurs parasites Chthonolasius. C'était la première fois que j'observais in natura ce stade de parasitisme. Grâce à mon sens aiguisé de déduction, j'ai donc pu établir que les jaunes en question étaient des Chthonolasius. Or je rappelle que les Lasius fuliginosus ; bien qu'il soit possible de les faire fonder en mettant à leur disposition des esclaves de Lasius niger ; sont surtout des parasites de Chthonolasius (Elles sont donc parasites de parasites !).
Mais qui sont les parasites des parasites des parasites ? Pour la petite histoire, Fabre mettait en doute la théorie de l'évolution en s'appuyant sur des exemples d'interactions hôtes parasites extrêmements poussées et spécialisées. Selon lui, ce type d'interactions tellement improbables ne pouvaient tenir d'un simple hasard mais bel et bien d'une feuille de route supérieure. Toujours amusant à lire avec un regard actuel.

Ainsi, en prélevant une petite cinquantaine de cocons de Chthonolasius et en les fournissant à ma gyne, je la mettais en présence de son hôte naturel et je maximisais ses chances de succès en lui offrant les esclaves optimales.

Comme d'habitude, je mets d'abord la gyne avec les cocons. Elle s'y "baigne" allègrement, puis j'introduis ouvrières Chthonolasius pour déballer les cocons le moment venu. Rapidement, les signes d'agressivité s'estompent. Le lendemain matin cependant, je ne retrouverai qu'une seule des trois ouvrières vivantes.

Dans les jours qui suivirent, les premières ouvrières ont commencé à naître. Ce moment charnière est toujours assez délicat : les ouvrières introduites ne nourrissent pas forcément la gyne, et celles fraîchement émergées sont encore blanches et incapables de s'occuper de la gyne pour au moins 2-3 jours. À ce stade donc, rien n'est encore gagné, et je nourris toujours abondamment en tube en partant du principe que la gyne doit se nourrir plus ou moins seule avec pas ou peu de réserves.

Le temps passant, les ouvrières se sont enfin mises au travail et ont commencé leur travail ingrat de soin à la parasite. Rapidement, la gyne a gonflé comme un bibendum et a pondu une petite grappe d'oeufs. De mémoire, nous sommes début août.

J'ai d'abord cru que le fait d'avoir les esclaves optimales raccourcirait le temps de développement du couvain, scandaleusement long chez cette espèce : le nourrissage pouvait être plus adapté, car meilleure communication entre les larves et les ouvrières ? Que nenni... Début novembre au moment de la mise au frais, je n'ai toujours qu'un petit tas de larves L1. Qu'à cela ne tienne.

Début mars, sortie de diapause. La gyne va bien, pas de casse. À savoir que je nourris toutes les 2 semaines pendant la diapause, donc j'étais relativement confiant. Je connecte le tube à une petite ADC grillagée, et je me mets à les gaver. Littéralement. Et ce qui est fou, c'est que c'est un puits sans fond.
La gyne est de nouveau grosse comme une fourmi pot de miel, et les ouvrières nettoient consciencieusement la petite languette sur laquelle je dépose mon miellat, et ce tous les jours. À ce stade, je ne nourris qu'aux liquides sucrés protéinés. Au fil des mois, les larves grossissent. Dès que je vois des L2, je donne des petits vers de farines qui sont rapidement déposés sur les larves. J'ai également de nouvelles pontes, imposantes à souhait.
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Ici, nous sommes mi-mai. Sa majesté nous montre ses fesses. On voit les larves sur la droite, et la masse blanchâtre sur la gauche est constituée de centaines d'oeufs.

Petite remarque sur le couvain. Chez la plupart des espèces, la taille du couvain est en fonction du nombre d'ouvrières. Ainsi, plus l'effectif total de la colonie sera important, plus la reine fera de grosses pontes. Ici, on constate une réelle disproportion entre les pontes et le nombre d'ouvrières. Mon hypothèse est que, en milieu naturel, la parasite s'en prend à des colonies adultes ou du moins bien installées, et donc peut pondre à tire-larigot et avoir toujours assez d'ouvrières. En tube, ce n'est évidemment pas le cas. Problème donc : rapidement, mes esclaves vont se retrouver en sous effectif cruel. Attention au burn-out.

Le temps passant, les oeufs deviennent larves.
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Nous sommes le 15 juin. Le tas de couvain a bien augmenté. Ici toutes les tailles sont pêle-mêle, mais en général les larves sont proprement organisées par tailles.
Voici également une petite vue d'ensemble en vidéo :
Notez la gyne qui prend son bain de larves.
Ce petit monde est toujours nourri de miellat de l'espace et de vers de farine.

Cependant à ce stade je commence à être inquiet. En effet, j'ai des L3 depuis un moment, mais pas de tissage de cocon en vue. Et si elles n'arrivaient pas à tisser pour une raison X ou Y ? Et si les ouvrières les mangeaient et les donnaient à manger aux larves plus petites ? Sachant que j'avais déjà retrouvé des larves mortes dans le dépotoir, j'avais de quoi être parano. Je décide donc d'aller prélever 3 ouvrières L. fuliginosus dans une colonie sauvage, et de les mettre en tube. Ainsi, si je vois que les esclaves s'occupent "mal" du couvain, je donnerai quelques larves à ces ouvrières.

Puis enfin un beau jour (le 29 juin)...
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Atelier tissage !

Cependant, quelques jours plus tard, je trouve un de ces cocons dans le dépotoir. Il a l'air intact, alors je décide de le donner à mes 3 ouvrières auxiliaires. Elles l'ignorent totalement. J'en déduis que c'est un accident de parcours, car les autres cocons apparus entre temps ont l'air de bien se porter. Je reste assez stressé : et si une fois en cocon, les esclaves les rejetaient ? Si je m'étais trompé depuis le début sur l'hôte ? Je garde donc mes 3 auxiliaires sous la main, d'autant que par le passé, j'avais déjà eu le cas où les ouvrières n'ont pas ouvert plusieurs cocons. Elles ont fini par en ouvrir un, et l'ouvrière qui en est sorti a ouvert les suivants une fois bien fortifiée. Globalement, j'ai tout de même l'impression que la réussite de ce genre de fondation tient à de très petites choses qui mises bout à bout constituent un imbroglio assez difficile à démêler.

Pour finir, les photos du jour (13/07/2021) :
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L'atelier tissage est devenu usine. Notez le petit coussin de coton pour aider les larves à tisser !
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Assez curieusement, le gros des cocons est placé près du coton humide.
J'espère que mon prochain post sur ce topic vous parlera d'une belle petite ouvrière parasite fraîchement née ! En attendant, j'attire votre attention sur le fait que nous sommes 1 an après la ponte, et toujours pas d'ouvrière, ce qui en fait le cycle le plus long dont j'ai pu entendre parler dans la myrmécosphère. Du coup, les fans d'exotiques qui hurlent parce qu'il leur faut 6 mois pour passer de l'oeuf à l'ouvrières me paraissent bien mignons ! :-D
Dernière modification par Darkyanden le jeu. 15 juil. 2021 07:35, modifié 3 fois.
Raison : C'est méchant... pour la peine tu me donneras ta colonie puisque seule la fondation t'interesse :p (ou je me contenterai d'un fondation va :D).
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Re: Lasius (Dendrolasius) fuliginosus : une histoire de persévérance...

Message non lu par Mic »

Bravo pour cette réussite ! Je fais comme toi, chaque année j'essaye une ou deux fondations ! Topic à suivre !
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Re: Lasius (Dendrolasius) fuliginosus : une histoire de persévérance...

Message non lu par Darkyanden »

Tu as déjà réussi à transformer l'essai ?
Merci pour tes encouragements. *salut*
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Re: Lasius (Dendrolasius) fuliginosus : une histoire de persévérance...

Message non lu par Mic »

J'étais arrivé à avoir un jolie couvain avec quelques Larves l'année dernière. Puis la gyne est morte... Tu as eu de la chance d'avoir des Lasius Chthonolasius ! Cette année j'aimerai tester avec des ouvrières Lasius fuliginosus directement.
Dernière modification par Mic le mar. 13 juil. 2021 15:05, modifié 2 fois.
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Re: Lasius (Dendrolasius) fuliginosus : une histoire de persévérance...

Message non lu par Darkyanden »

Mic a écrit : Cette année j'aimerai tester avec des ouvrières Lasius fuliginosus directement.

J'ai déjà essayé il y a longtemps ça avait foiré, mais je serais hyper intéressé d'avoir ton expérience.
Mic a écrit : Tu as eu de la chance d'avoir des Lasius Chthonolasius !

Cela reste faisable avec des Lasius noires du groupe niger, pour le moment je ne vois pas trop de différence. Il est possible que je me sois compliqué la vie pour pas grand chose.
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Re: Lasius (Dendrolasius) fuliginosus : une histoire de persévérance...

Message non lu par Mic »

Oui ça marche avec Lasius niger mais le taux de réussite est moindre il me semble.
Il n'y avait pas ici quelque part un topic qui parlait d'une sorte de fondation en pléométrose avec une gyne Lasius sp noire et une Lasius fuliginosus? J'arrive pas à retrouver le sujet en question.
Dernière modification par Mic le mar. 13 juil. 2021 15:52, modifié 2 fois.
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Re: Lasius (Dendrolasius) fuliginosus : une histoire de persévérance...

Message non lu par Ookami »

Bien d'avoir pu trouver des ouvrières Chthonolasius sp. ! Pour l'instant, ça a l'air bien parti.

Pour ma part, j'avais réussi à obtenir une vingtaine (de souvenir) d'ouvrières Lasius fuliginosus de ma tentative 2018, mais ensuite elles avaient lentement péréclité.
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Re: Lasius (Dendrolasius) fuliginosus : une histoire de persévérance...

Message non lu par Darkyanden »

Ookami a écrit : Pour ma part, j'avais réussi à obtenir une vingtaine (de souvenir) d'ouvrières Lasius fuliginosus de ma tentative 2018, mais ensuite elles avaient lentement péréclité.

Bizarre. :think:
Je me rappelle d'avoir lu sur akolab à l'époque que cette espèce pouvait s'auto intoxiquer à la dendrolasine si le nid n'était pas assez "ventilé"... Peut-être une piste à explorer. Je pense aussi qu'étant donné leur habitat elles doivent être relativement tatillonnes sur l'hygrométrie et la température. On peut aussi lire que dans la nature elles font des nids en "papier". Si tel est le cas, ça confirme que les deux paramètres sus-dits doivent être particuliers, et que potentiellement nos nids artificiels ne sont pas adaptés.

Quoiqu'il en soit c'est sûr que c'est une espèce chiante mais le challenge n'en est que plus intéressant.
Dernière modification par Darkyanden le mar. 13 juil. 2021 16:49, modifié 1 fois.
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Re: Lasius (Dendrolasius) fuliginosus : une histoire de persévérance...

Message non lu par Ookami »

Elles étaient encore en tube avec du liège, mais oui je suspecte que ceci était vraisemblablement le problème.
Dernière modification par Seed noir le mar. 13 juil. 2021 22:18, modifié 1 fois.
Raison : Merci de commencer ta phrase par une majuscule.
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Re: Lasius (Dendrolasius) fuliginosus : une histoire de persévérance...

Message non lu par Darkyanden »

Potentiellement prévoir un tube perforé pour une bonne circulation de l'air... :think:
J'envisage de les mettre plutôt en terrarium et de les laisser se débrouiller, si j'arrive jusque là.
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