Bonjour à tous,
Je vous propose aujourd'hui de suivre avec moi une petite fondation de Cataglyphis aenescens. Je n'ai pas eu l'impression que cette espèce était courante, alors pourquoi pas un petit blog.
Si j'en crois Antwiki, cette espèce est présente sur les côtes au nord de la méditerranée, de l'Italie à la Turquie ; et jusqu'au fin fond de l'Asie. Vous pouvez consulter la carte de répartition ici.
Par conséquent, on peut en déduire que cette espèce apprécie les climats chauds, potentiellement continentaux : chaud l'été froid l'hiver puisque présente jusqu'en Russie en passant par les balkans !
Au niveau de l'aspect : taille moyenne, très vive, peut-être plus hautes sur pattes que leurs cousines Formica auxquelles elles ressemblent fortement en taille et en silhouette. Cette espèce est d'un noir brillant.
Cette colonie m'a été offerte par @Geoff95 qui cherchait à réduire la voilure en terme d'élevage. J'ai donc reçu cette petite colonie constituée de la gyne et de 6 ouvrières en octobre 2019, alors qu'elles étaient en diapause.
Sortie de diapause fin avril 2020, et petite traversée du désert : puisque non chauffée, la gyne s'est mise à pondre très tardivement. Je me suis même demandé si elle était fécondée ! Après avoir discuté avec Geoff, il m'a dit qu'il n'avait pas réussi à avoir d'ouvrières chez lui, ce qui n'augurait rien de bon. Je décide tout de même de persévérer, et je les place dans ma véranda, ou la température monte largement au dessus des 30 degrés quand le soleil tape.
Quelques jours plus tard, le 24/04/2020, j'avais une belle petite grappe d'oeufs. Après la mise en route des ovaires de madame la reine, je décide de rentrer la fondation et de les laisser à température ambiante pour le moment.
Le 06/05/2020, j'avais déjà des larves, mais une ouvrière est morte noyée dans la goutte de miellat... Je suis donc à 5 ouvrières.
Petite remarque sur le couvain. Les larves sont très vives et se tortillent comme des asticots. Le développement est très rapide, ce qui rappelle une fois encore les Formica.
Le 20/05/2020, je découvre 2 nymphes nues. J'en déduis que mon tube est trop humide. De manière générale, je n'aime pas voir des nymphes nues chez mes Formicinae, l'expérience m'ayant appris à y voir un mauvais présage. Ce fut malheureusement confirmé puisque 3 jours plus tard, les deux nymphes avaient disparu.
Il me faudra attendre jusqu'au 28/06/2020 pour avoir enfin une nouvelle ouvrière, issue d'un cocon. Niveau couvain, une poignée de larves ainsi que 2 nymphes nues encore...
Le premier juillet, nouvelle naissance, puis rebelote le lendemain. Total : 8 ouvrières. Par bonheur, les nymphes ont pu arriver au terme de leur développement.
Globalement, le développement sera médiocre tout l'été. En cause sans doute, le non-chauffage de la colonie. En effet, au moment de la mise au frais le 01/11/2020, je n'aurai que 10 ouvrières, péniblement. Certaines ouvrières sont mortes de vieillesse, et le couvain avait beaucoup de mal à arriver au bout sans se faire manger. J'ai clairement négligé la colonie, je l'admet non sans honte. Malgré un nourrissage régulier, je n'ai donné que peu d'insectes. De plus, leur setup était vraiment minimaliste : le tube posé dans une ADC en verre... Peux mieux faire. Mais je n'avais pas dit mon dernier mot...
Fin avril 2021, sortie de diapause ! D'emblée, j'ai 2 mortes. Sans doutes les vieilles. Comme toutes mes autres colonies en pause hivernales, elles ont été nourries tous les 15 jours, j'exclus donc la sous-nutrition des causes potentielles de décès.
Je les réinstalle dans leur setup de luxe (toujours ce tupperware en verre), mais ce coup-ci je leur promets qu'il s'agit d'une situation transitoire... En effet, en parallèle, j'ai investi dans un thermostat et un grand tapis chauffant. J'ai également lavé et bouilli du sable avant de le sécher et d'en tapisser le fond d'une grande boîte, que j'appellerai "terrarium" bien que le terme soit un peu pompeux compte tenu de la réalité du récipient.
Dans la foulée, je retombe à 5 ouvrières : 3 nouvelles mortes inexpliquées, sans doute les aléas de la sortie de diapause...
Je les installe enfin dans leur écrin de sable, sur le tapis chauffant qui, couplé à son thermostat, affichera une température de 25°C le jour. La nuit en revanche, j'éteindrai l'ensemble pour revenir à la température ambiante. Le tube est donc directement posé dans le terra, recouvert d'une couche de sable afin de garantir le minimum vital d'intimité à mes locataires.
Commença alors un manège des plus amusants. J'ai immédiatement perçu le "bonheur" qu'avaient les ouvrières à fourrager le sable. J'ai pu observer le fameux comportement de grattage de sable typique au genre, illustré dans la vidéo ci-dessous.
Rapidement également, elles se sont mises à aménager leur tube. Elles sélectionnaient les grains de sables qui leur plaisaient, ou petits morceaux de coquilles... Et en tapissaient leur tube, ou bien s'en servaient pour obstruer le tube, qui convenons-en, présentait une ouverture bien trop béante.
Ce qui m'a amusé, c'est de constater que les deux mêmes ouvrières fournissaient le plus gros du boulot. Je les reconnaissais car il s'agissait de la plus grosse et de la plus petite. Ces deux bougresses ont passé quasiment un mois à charrier des morceaux de coquilles, à sélectionner savamment des grains de sable de telle ou telle granulométrie pour tel ou tel endroit. Du travail d'orfèvre, de maçon, ou un peu des deux ? Une fois la tâche accomplie, je fus le témoin d'un évènement aussi tragique que passionnant.
Un soir, je ne vois plus mes ouvrières au travail. L'une des deux, la grosse, est à l'entrée du tube, aux 3/4 obstrué maintenant, et semble monter la garde dans une position troublante : sa tête semble posée sur un gros grain de sable. De léger mouvements antennaires me confirment qu'elle est bien en vie, et je commence par croire à un état de repos comme on peut parfois l'observer chez les fourmis. La petite est en plein milieu de l'ADC, immobile. Pareillement, ses antennes balaient imperceptiblement l'air, mais rien de plus. Soit. Je les laisse se reposer.
Plusieurs heures plus tard, me décidant à aller me coucher, je jette un dernier coup d'oeil sur mes travailleuses et constate qu'elles sont exactement dans la même position que précédemment. Il y a anguille sous roche. J'ouvre la boîte, elles ne réagissent pas. Je prends une pincée de sable, et je fais tomber quelques grains sur elles. Elles réagissent à peine. Je comprends enfin qu'elles ne se reposent pas, mais qu'elles sont en train de s'éteindre.
Le lendemain, je les retrouvai figées, mortes, dans leur position de la veille. L'une toujours à l'entrée, l'autre rentrée dans le tube et placée près de l'entrée. Comme si les autres l'avaient mise en statue gardienne. Elles y restèrent un jour ou deux avant d'être finalement déposées au dépotoir. Elles avaient accompli leur mission : aménager le tube, et y avaient laissé toute leur énergie.
Considérations lyriques à part, me voici dans la panade avec seulement 3 ouvrières... Heureusement, le couvain est conséquent, j'ai même quelques cocons. Malheureusement, et plusieurs fois d'affilée, les cocons se faisaient ouvrir et les nymphes étaient données aux larves... Malgré le fait que je donnais tous les deux jour des vers de farine, qu'elles ignoraient du reste quasiment à chaque fois. Même chose avec un pinkie, elles l'ont ignoré royalement. J'ai donc augmenté la proportion de protéines dans mon miellat de l'espace en espérant que cela suffise.
Puis, enfin, j'ai eu des naissances. 1, 2, 3, parfois plusieurs le même jour, jusqu'à apercevoir ceci le 07/07/2021 :
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Enfin ! L'effectif des ouvrières en fourragement dépasse l'effectif total de la colonie quelques semaines auparavant. Quel soulagement ! On peut voir sur la droite de la photo en arrière plan l'entrée du tube complètement ensablée.
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Malgré un reflet sur le tube, on distingue nettement une belle quantité de cocons.
Aujourd'hui, j'ai pu observer un nouveau phénomène intéressant. Vers midi, j'ai vu que tout le monde ou presque (hormis la gyne) était sorti du tube, avec les cocons dans les mandibules, et couraient dans tous les sens dans l'ADC. D'abord pris de panique, je vérifie mon thermostat : s'il s'était déréglé et qu'elles étaient en train de cuire ??
Tout semble pourtant correct. Quelques minutes plus tard, elles sont toutes rentrées en bon ordre. En discutant avec un habitué des Cataglyphis, il me confirme qu'il devait s'agir d'une tentative de déménagement. Je leur ai donc rajouté un tube dans le terrarium, et un bambou creux et sec si elles veulent une chambre moins humide pour leurs cocons. On verra bien.
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De gauche à droite : le bambou creux, le tube ajouté, et enfin le premier tube : on distingue sa réserve d'eau en haut à gauche, et l'entrée en bas à gauche.
J'espère pouvoir les observer aménager ce deuxième tube dans les jours qui viennent !
Pour la suite, j'essaierai de faire moins de blabla, et plus de photos.