
Une fois n'est pas coutume, je vous propose un nouveau blog mais cette fois-ci concernant l'une des espèces endémiques que je possède : l'étonnante Crematogaster scutellaris. La colonie présentée ci-après est issue d'une fondation de novembre 2011 comportant deux ouvrières ainsi qu'un couvain naissant.
Pour tout vous avouer, ce n'est que vers la fin du mois de février 2012 que j'ai véritablement commencé à m'y intéresser. Je me contentais jusqu'alors de leur donner à manger sans même veiller à les chauffer ni même prendre acte qu'elles détestaient l'humidité constante du nid dans lequel elles dépérissaient. Vous imaginez sans mal que ma colonie voyait son effectif stagner ; une quinzaine de corvéables tout au plus... Et pourtant ! Je connaissais fort bien le potentiel d'une espèce comme celle-ci ; sa propension à devenir un jour un superorganisme.
Oui, le mot est lâché. Superorganisme.
En effet, qui n'a jamais rêvé de posséder une fourmilière à l'effectif indéterminable, au potentiel infini et d'être confronté un jour aux problématiques intrinsèques liées à sa gestion quotidienne ? D'aussi loin que je me souvienne, ces vidéos de marées "inhumaines" distillées par la télévision ont fait naitre ma passion pour ces si petites. Plus récemment, en Amérique du sud, me voir reculer face à ces vagues indénombrables de fourmis noires qui déferlaient devant et sous mes pieds -tout autour de moi- ; un indicible bonheur mêlé à une sensation d'impuissance révélée...
Mais revenons à mes toutes petites si vous le voulez bien. C'est donc en ce mois d'avril 2012 que j'ai décidé de prendre à bras le corps ma minuscule colonie. S'ensuivit leur déménagement dans un premier nid en plexiglas avec une température adaptée à une fondation -déjà- vieille de six mois ; vingt-sept degrés en l’occurrence. Au bout d'une semaine, la gyne recommença à pondre. Ses serviles ouvrières déplaçaient inlassablement le couvain afin de fournir à leurs remplaçantes les meilleures conditions possibles afin de favoriser le développement. Mes Crematogaster reprenaient substance et la population croissait enfin. Très vite leur espace de vie devint trop petit. Les œufs étaient stockés à même l'aire de chasse. Comme l'un de mes grands nids en plexiglas restait vacant, je décidai de l'adjoindre et j'en profitai aussi pour ajouter l'une de mes boites de fondation ; idéale comme AdC.
Le résultat fut immédiat.
Voici une première vidéo datée du vingt-quatre mai qui vous montre de quelle manière était mise en place l'installation décrite précédemment. Tout à gauche, le point chaud avoisinait les trente-cinq degrés.
* Disponible également en lecture HD
Je me suis jamais vraiment inquiété de savoir combien elles étaient à l'époque. Mais j'étais visiblement sur la bonne voie. En deux mois, la population explosait ! Mais c'est à notre retour de vacances que je pris la juste mesure de l'évolution de la colonie. Mes adorables garces s'étaient évadées. Elles formaient de longues files sur le carrelage de mon bureau jusqu'au placard de l'entrée. Après ce que je venais de voir en Colombie, cette situation me fit éclater de rire. Il y a quelques temps, je les aurai toutes récupérées pour les remettre dans leur nid mais je n'en fis rien. Une partie de mon domicile était donc devenu leur chez elles avec au sol, deux abreuvoirs d'eau sucrées ainsi qu'une mangeoire de bifteck haché "Charal Grand Cru 15% de matière grasse". ^^
Je pris une feuille de papier et commençai à griffonner leur nouvel espace de vie selon les observations que j'avais faites.
- Propension de l'espèce à s'évader. Cette fourmi profite du moindre interstice pour s'échapper. Ce pourquoi l'option d'un grand aquarium regroupant nid (en partie basse) et aire de chasse avec couvercle a été retenue.
- Population à la démographie galopante. Actant que cette espèce n'a pas vraiment de limite démographiquement parlant, j'ai opté pour un assemblage de nids superposés de grande capacité non reliés entre eux. Il me suffira d'empiler les nids à discrétion.
- Observation difficile. En regard de leur taille, le blanc est la teinte adéquate. Minimalisme des décors afin de favoriser la formation de lignes de phéromones. Nettoyage aisé.
- Appétit gargantuesque. Mise en place d'un abreuvoir grand format permettant une autonomie minimale d'une semaine. Mangeoire aux rebords hauts afin d'encourager les ouvrières à "manger sur place".
- Fourmi génératrice de déchets. Aquarium de petite taille relié à l'aire de vie par un tuyau flexible afin de permettre aux habitantes de déplacer leurs déchets en dehors de leur habitacle principal. Régime alimentaire essentiellement basé sur la viande hachée et les jelly ; ceci dans le but d'éliminer le maximum de déchets. Les nids empilés et fermés hermétiquement par de simples bouchons peuvent être retirés facilement pour le nettoyage mensuel.
Une semaine plus tard, je recevais donc les divers éléments nécessaires à l'élaboration de leur future maisonnée. Une fois le tout monté, je me suis employé à ramasser une à une à l'aide d'une tige en bois toutes les Crematogaster non sans avoir pris le soin de délimiter leur terrain de jeu en utilisant un répulsif à même le carrelage. Cela m'a pris pas moins de deux jours... Mais quand on aime, on ne compte pas n'est-ce pas ?

Voici l'AdV photographiée ce jour et réalisée selon mes croquis. Pour information, elle abrite la colonie depuis presque trois semaines.
J'en profite pour vous joindre une vidéo qui vous donnera un aperçu des premiers chemins "phéronomiques" constitués. Vous ne manquerez pas de remarquer que le nid est extrêmement propre. Une journée par quinzaine, je relie le petit aquarium à l'AdV afin que les ouvrières y vident leurs déchets. Ce système mis en place est bougrement efficace.
![Fier :])](./images/smilies/fier.gif)
Un jour, elles seront dix voire cinquante mille pourquoi pas... Superorganisme !
* Disponible également en lecture HD
Pour vos commentaires et questions éventuelles.
[Q/R] Crematogaster scutellaris
https://www.myrmecofourmis.org/forum/vi ... hp?t=12490