Le point sur les invasives, pour se coucher moins bête

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Coffee
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Le point sur les invasives, pour se coucher moins bête

Message non lu par Coffee »

Bonjour !

J'ai remarqué que l'animosité face aux exotiques et invasives était retombé d'un cran. C'est mal. Je fais une piqure de rappel ! ;-)

1- Qu'est-ce qu'une invasive ?
Une invasive, c'est le nom qu'on donne à certaines espèces de fourmis (par exemple, Solenopsis invicta) qui s'introduisent dans des milieux par un vecteur humain. Le commerce du bois et le commerce botanique est par exemple un vecteur d'espèces invasives. Les espèces sont invasives sur un territoire donné qui n'est pas leur territoire endémique.
Par exemple, Wasmannia auropunctata est invasive au Gabon, mais ne l'est pas en Bolivie, qui est son pays d'origine.
Un autre exemple est Crematogaster scutellaris. Elle est présentée en tant qu'endémique dans la zone méditerranéenne, mais invasive en Belgique.

2-Quel danger représente les invasives ?
Le principal danger est la réduction imminente de la biodiversité. En effet, l'introduction instantanée sur un territoire par l'homme ne laisse pas à la faune et flore endémique le temps de s'adapter à cette nouvelle espèce (qui demande une petite centaine d'années). L'espèce invasive va le plus souvent réduire la biodiversité en "monopolisant" un ou plusieurs maillons de la chaîne alimentaire, ce qui entraînera le déclin des fourmis endémiques concurrentes, puis les espèces en lien avec ces fourmis (graminées et Messor sp. par exemple).
Les invasives peuvent également laisser la nature indemne et rester confinées aux habitations humaines. En cas d'invasion dans une infrastructure médicale, les fourmis peuvent être vecteurs d'infection nosocomiales (Monomorium pharaonis).
Elles peuvent aussi représenter une gêne pour le propriétaire de l'habitation, et s'attaquer à la nourriture (miel, fruits, viande). La charpente peut être endommagée par certaines espèces (Crematogaster scutellaris).

Certaines invasives représentent un danger direct pour l'homme en cas d'allergie aux piqures de l'espèce. (Solenopsis invicta).

3-Quelles espèces ont un potentiel invasif ?
Il s'agit d'un sujet délicat, où les avis divergent fortement.
Mon avis (que j'argumenterais) est assez tranché : toutes. :-)
Toutes les fourmis ont un potentiel invasif. Comme ça, les discussions interminables au cas par cas n'ont plus lieu d'être. Et on prendra alors des précautions pour toutes. On voit ci et là des inconscients qui laissent leurs Pheidole se balader dans des immeubles parisiens et qui refusent de les tuer... Ce genre de comportement devrait amener les avertissements nécessaires pour le faire changer d'avis ! }:-<
Un forum strict nous a souvent reproché notre laxisme. Je leur ai ri au nez. Maintenant je vois qu'ils avaient raison.

Revenons au sujet : pourquoi on ne peut pas juger telle espèce invasive ou non invasive ?
Primo, car on ne connaît pas bien la biologie de toutes les fourmis. Et leur soit-disante "dépendance au chaud" est souvent fausse. Mes Polyrhachis survivent à 10°C et mes Pachycondyla villosa vivent très bien dans mon grenier à température ambiante, soit une vingtaine de degrés environ, jusqu'à 30°C en été. Elles ont donc pour la plupart une capacité innée à vivre dans nos habitations.
Secundo : les fourmis évoluent vite, très vite, trop vite. Il ne faut pas 500 ans pour qu'une espèce relativement confinée sur un territoire nouveau change du tout au tout.
C'est le cas de Pachycondyla chinensis. Une ponérine ! Comme quoi, toutes les espèces ont un potentiel terrifiant.
Répertoriée aux USA pour la première fois en 1934. Elle ne formait alors que des petites colonies d'une centaine d'ouvrières. Comme elle le faisait (et le fait toujours) en Asie. En 2006, elle a changé. La taille moyenne est certes de 400 individus, mais certaines font désormais plusieurs milliers d'individus. Aux USA, elle a détruit la myrmecofaune de certaines forêts américaines. Cette fourmi, comme la fourmi de feu, est une peste globale, elle présente un risque sanitaire et écologique fort.
Un autre cas, plus connu, est celui de Anoplolepis gracilipes. Lorsqu'elle s'installe dans une nouvelle zone, il faut parfois attendre 60 ans avant qu'elle n'explose et ne détruise l'environnement.

Pour faire bref : nous n'avons pas les capacités de prédire le potentiel invasif des espèces. Ainsi, conformément à la loi : on ne relâche RIEN. C'est pas parce que Acromyrmex n'est pas sensée survivre à Lille qu'il faut tenter une expérience en semi-liberté !!! Rien ne garantit qu'elle ne peut pas survivre en dehors du nid.

Voilà, c'était tout. Un petit coup de gueule pour rappeler un peu ce qui se passe. *merci* d'avoir lu !
Dernière modification par Jarode le ven. 3 oct. 2014 21:54, modifié 1 fois.
Raison : mise en gras des titres :-)
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raphael35
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Re: Le point sur les invasives, pour se coucher moins bête

Message non lu par raphael35 »

Et oui on ne relâche rien, quand on en veut plus on assume et on donne, on vend ou en tue dans son congélateur.

J'ajouterai à ton point très utile qu'une fourmis d'apparence complètement anodine, n'ayant ni dard, ni capacité défoliatrice, ni mandibules surpuissantes, ni rien du tout de spécial, peut pourtant s'avérer être la plus grande peste.
J'entends encore trop souvent des gens me dire, "mais cette espèce n'est pas dangereuse pour l'homme dont n'est pas dangereuse du tout". Et bien c'est complètement faux.
Des exemples ne manquent pas comme Lasius neglectus ou beaucoup plus grave Anoplolepis gracilipes (la fourmis folle) complètement inoffensives pour l'homme et pourtant les deuxièmes, en s'approchant dangereusement de centrales nucléaires texanes et adorant tout ce qui est électrique pourraient bien avoir notre peau un jour.

Enfin j'en profite pour donner un autre exemple moins connu et un message de prévention face aux tiques et à la maladie de Lyme.
La maladie de Lyme est arrivée en Europe et en France à cause du lâché par certains inconscients de leur écureuils de Corée (Tamia). Ces fameux écureuils soit disant inoffensifs qui s'avèrent être très souvent mordeurs et en plus porteurs sain de la bactérie. Dans la nature, ils se sont fait piqués alors par les tiques et la maladie est arrivée, encore une fois à cause de lâchés par l'homme.
Aujourd'hui la boréliose de Lyme est présente partout en France, alors soyez très très vigilants dans vos balades en forêt, documentez vous car AUCUN message de prévention n'est fait nul part.
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Will
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Re: Le point sur les invasives, pour se coucher moins bête

Message non lu par Will »

Évaluer le potentiel invasif est certes difficiles, mais la littérature scientifique retient un certains nombres de points plus importants que d'autres.

- Une reproduction et un développement rapide.
- Une polygynie.
- Une tendance à la dominance dans son milieu naturel.
- La capacité de s'adapter au climat d’accueil.
- Une tendance à l'unicolonialité dans son milieu naturel (petite super-colonies qui se battent entre elles dans leur écosystème d'origine).

A ce titre, il est très peu probable (pour ne pas dire impossible) qu'une grosse Camponotus devienne invasive par exemple, ni même d'autres espèces au développement trop lent. Par contre pour C. scutellaris ou P. pallidula, on voit qu'on est parfois un peu borderline. Non, tout les espèces ne sont pas égales, et les faits scientifiques sont trop évidents pour prétendre le contraire même pour une bonne cause. Cependant, mener des normes de prudences standardisées pour le principe me parait adapté sur le long terme. Trop de gens font n'importe quoi. Et cela concerne aussi la vente en ligne, pour revenir sur un vieux point.
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Coffee
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Re: Le point sur les invasives, pour se coucher moins bête

Message non lu par Coffee »

Pachycondyla chinensis a un développement lent, comme toutes les ponérines, sans super colonies, avec une bonne dose de territorialité. Pourtant elle est dévastatrice. C'est je pense le cas le plus intéressant. Il montre que même une espèce différente des critères invasifs (Petite, polygyne sans dominance, supercolonie, populeuse...) peut devenir invasive du "jour au lendemain".
Une tendance à la dominance dans son milieu naturel : Bof bof, Wasmannia n'est pas super présente au Pérou par exemple.

A mon avis c'est quelque chose qu'on ne pourra jamais contrôler et maîtriser, le potentiel invasif.

Il faut aussi différencier les critères pour rendre une espèce invasive et super-envahissante dont tu donnes là les critères.

Pheidole megacephala, Tapinoma melanocephalum, S. invicta, Linepithema humile sont super-envahissantes.
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DMX
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Re: Le point sur les invasives, pour se coucher moins bête

Message non lu par DMX »

Une invasive, c'est le nom qu'on donne à certaines espèces de fourmis (par exemple, Solenopsis invicta) qui s'introduisent dans des milieux par un vecteur humain.
C'est la définition d'une espèce allochtone. Une espèce invasive est une espèce allochtone qui a la capacité d'envahir le milieu (source). La majorité des plantes cultivées en France sont des espèces introduites volontairement par l'Homme dans le milieu, elles ne sont néanmoins pas considérées comme invasives.
Le principal danger est la réduction imminente de la biodiversité.
En quoi est-ce problématique ? Les principaux insectes invasifs en France sont probablement les abeilles domestiques allochtones (Apis mellifera scutellata originaire d’Afrique ou Apis cerana originaire d'Asie) ... pourtant on n'a jamais reproché aux apiculteurs utilisant ces espèces de dégrader la biodiversité (d'ailleurs combien d'apiculteurs élèvent uniquement des espèces autochtones et locales ?), ni d'accroître les problèmes sanitaires avec leurs piqûres.
La première cause de disparition des abeilles autochtones, ce n'est pas la varroa, ni les pesticides ou les ondes wifi, mais l'apiculture moderne ... Le pire c'est qu'on a la technologie pour produire du miel de synthèse et donc avoir un impacte écologique bien plus faible, mais au contraire on s’horrifie de se produit ignoble qui pourrait préserver notre biodiversité ...
En cas d'invasion dans une infrastructure médicale, les fourmis peuvent être vecteurs d'infection nosocomiales (Monomorium pharaonis).
Les classiques Lasius niger qui entrent des infrastructures médicales engendrent les mêmes conséquences. Ce n'est pas un danger spécifique aux espèces invasives, mais à toutes les espèces qui circulent dans le milieu hospitalier (à commencer par l'Homme qui est le principal vecteur).
Certaines invasives représentent un danger direct pour l'homme en cas d'allergie aux piqures de l'espèce.
Certaines locales présentent un danger direct pour l'homme en cas d'allergie aux piqûres de l'espèce (ex : Myrmica, Manica). Une espèce invasive qui ne pique pas et qui éliminerait les espèces locales nuisibles serait plutôt bénéfique. C'est le problème des espèces invasives : on ne retient que les effets négatifs, jamais les effets positifs.
Mon avis (que j'argumenterais) est assez tranché : toutes. :-)
Toutes les fourmis ont un potentiel invasif.
Le risque zéro n'existe pas, ce n'est pas pour autan qu'il faut placer tous les risques au même niveau de probabilité.
Le risque de se prendre une météorite de 301 kg sur la tête en allant chercher sa baguette existe, mais la probabilité étant infiniment faible on prend quand même le risque de sortir (surtout si on a faim ^^).
Pour les espèces "exotiques" c'est pareil, on ne va pas mettre des Camponotus gigas (nos copines ^^) au même niveau de probabilité que des Solenopsis sp. vendues par certains vendeurs étrangers peu scrupuleux ...
On doit prendre des précautions pour toutes les espèces allochtones, tout simplement parce la loi nous interdit d'en relâcher volontairement ou involontairement. Cela ne veut pas dire que toutes les espèces allochtones présentent un danger conséquent.
On voit ci et là des inconscients qui laissent leurs Pheidole se balader dans des immeubles parisiens et qui refusent de les tuer... Ce genre de comportement devrait amener les avertissements nécessaires pour le faire changer d'avis !
Si ce sont des espèces allochtones, ces personnes sont dans l'illégalité (un coup fil aux services véto et c'est réglé). Ceci étant dit, si ce sont des ouvrières stériles qui se baladent, pas de quoi non plus transpirer ^^.
Un forum strict nous a souvent reproché notre laxisme. Je leur ai ri au nez. Maintenant je vois qu'ils avaient raison.
Sans vouloir raviver de vieilles rancœurs, combien d'entre eux ont élevé à un moment ou un autre des espèces qui n'étaient pas naturellement présentes dans leur région ? Sans parler des insectes exotiques nourriciers (du genre blattes qui se multiplient 3 fois plus vites que des Pheidoles exotiques :moui:) ... Ils font la pub d'une expo qui fait l'apologie des espèces exotiques, et qui donne envie à tous les mioches d'avoir des Atta dans leur chambre ...
Elles ont donc pour la plupart une capacité innée à vivre dans nos habitations.
Il y a quand même un différence entre vivre dans la nature et dans un habitation. Je veux bien croire que tes Polyrhachis survivent à 10°C, mais si je les mets en face d'une colonie mature de Formica autochtone qui crève la dalle, elles ne vont pas faire long feu ^^.
Rien ne garantit qu'elle ne peut pas survivre en dehors du nid.
Rien de garantit qu'elles vont survivre :-). Si on raisonne en terme de probabilité, elles ont quand même plus de change de creuver que de survivre.
Il faut aussi différencier les critères pour rendre une espèce invasive et super-envahissante dont tu donnes là les critères.
Ce sont les espèces super-envahissantes qui posent problème, et non les petites espèces allochtones qui se baladent au 4 coins du monde dans faire de dégât majeur (comme notamment les Tetramorium caespitum). D'où l'intérêt de s'intéresser plus particulièrement aux critères cités.
Dernière modification par DMX le ven. 5 sept. 2014 22:35, modifié 3 fois.
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Re: Le point sur les invasives, pour se coucher moins bête

Message non lu par Coffee »

Va pour allochtone.
Pour le reste, je ne comprends pas ta motivation à dire des bêtises que tu ne penses (je l'espère) même pas.
"Lasius niger peut aussi être dangereuse" <=> " Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas tuer une personne alors que d'autres en ont tué plus" .

"Les avantages d'une invasive" je suis sur le ***.

"C'est peu probable" j'ai entendu le même discours à propos d'espèces introduites sensées ne jamais poser de problèmes. Oui, tant qu'on ne se sera pas mangé une nouvelle peste.

Par exemple Polyrhachis est très présente dans sa contrée, elle s'installe partout, au sens propre du terme. Elle est chimiquement très bien armée et n'a pas grand chose à craindre de Pheidole françaises.
Il est tout à fait probable que les proies françaises ne soient pas parées à la prédation de cette fourmi, et réduisent le développement des autres espèces de fourmis. Etc.
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Re: Le point sur les invasives, pour se coucher moins bête

Message non lu par raphael35 »

DMX a écrit :[
La première cause de disparition des abeilles autochtones, ce n'est pas la varroa, ni les pesticides ou les ondes wifi, mais l'apiculture moderne ... Le pire c'est qu'on a la technologie pour produire du miel de synthèse et donc avoir un impacte écologique bien plus faible, mais au contraire on s’horrifie de se produit ignoble qui pourrait préserver notre biodiversité

Un article synthétique bien fait je trouve sur le sujet.
http://www.notre-planete.info/actualite ... um=twitter

J'aimerais que tu aies raison DMX cela signifierait que les abeilles sauvages se portent bien car indépendantes des apiculteurs, ce n'est malheureusement pas le cas.

http://www.lemonde.fr/planete/article/2 ... _3244.html

Et en plus DMX si tu avais raison, tout devrait s'arranger car pour mémoire il y avait 2 millions de ruches en France en 1996 contre seulement 600 000 en 2014... Et -40% d'apiculteurs de 2004 à 2014. Donc de moins en moins d'abeilles domestiques présentes en France donc d'après tes dires les autres insectes devraient s'en sentir mieux puisque d'après toi moins de ruches c'est bon pour la biodiversité.

Source : http://draaf.poitou-charentes.agricultu ... 84919f.pdf
Dernière modification par raphael35 le sam. 6 sept. 2014 12:12, modifié 1 fois.
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